Une station qui ne tourne plus rond
Reportage - Dans l'enclave montagneuse serbe de Brezovica, l'inquiétude est tangible.
Une station qui ne tourne plus rond
Longtemps, la station de ski de Brezovica a été présentée comme un modèle de cohabitation entre Serbes et Albanais. Mais à l'approche de l'indépendance, les tensions sont vives et la population serbe s'inquiète pour son avenir au Kosovo.
Zoran Boskocevic a un petit sourire triste quand il montre les chambres de son hôtel aux visiteurs. « La politique », commente-t-il seulement, en désignant les tags nationalistes qui maculent chaque espace du mur. Des inscriptions qui réclament le départ des Serbes du Kosovo, ou font l'apologie de l'UCK, la guérilla albanaise des années 1990.
Comme un tabou
Comme son personnel, ce Serbe n'a pas apprécié ces « provocations », oeuvre de jeunes clients. « J'ai toujours vécu ici. Mes enfants, eux, étudient à Belgrade et je ne crois pas qu'il y ait une place pour eux au Kosovo », lâche-t-il, fataliste.
La grande station de ski du Kosovo est aussi une enclave où quelques 7000 Serbes vivent en circuit fermé. La plupart d'entre eux n'osent pas sortir de ce territoire large de 15 km et le mot « indépendance » résonne ici comme un tabou, synonyme de craintes et d'incertitudes.
A Brezovica, l'électricité ne fonctionne que quelques heures par jour et les skieurs se retrouvent parfois coincés de longues minutes en haut des télésièges. Faute de ressources et d'investissements, le personnel de la station n'a pas reçu de salaire depuis neuf mois.
Pourtant chaque week-end, le miracle se produit. Des milliers d'Albanais du Kosovo viennent dévaler les pentes enneigées, ignorant les divisions ethniques qui ont provoqué la guerre de 1999 et les violences de mars 2004.
« Ici, la neige est excellente et l'ambiance a toujours été bonne, se félicite Besim Ajeti, un serveur albanais. C'est pour ça que les gens viennent de tout le Kosovo skier ici ». Bojan, son patron, a investi 11 000 euros pour transformer son chalet de pin en une coquette pizzeria.
Comme tous les propriétaires de Brezovica, il est Serbe. « Notre station est un refuge multiculturel, mais ces temps-ci, certains clients nous insultent. J'ai investi ici parce que je crois dans le développement de la station. Mais avec l'indépendance, qui sait si je pourrais rester ? ».
« La guerre est encore dans tous les esprits »
Sur le parking bondé, Hana Hoxa, une jeune Albanaise, range ses skis dans la voiture qui la ramène à Pristina. « Vivement la privatisation, qu'on ait enfin des installations correctes ici », lance-t-elle. Elle pense que cela se fera après l'indépendance, qu'elle attend avec impatience. Tout en restant prudente : « Mais au Kosovo, la guerre est encore dans tous les esprits. Il faudra beaucoup de temps avant que Serbes et Albanais puissent vivre ensemble ».
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